En cette fin d’année 2015, lourdement chargée en événements, Frédéric Haziza rediffuse sur LCP son émission “Entre les lignes” avec Alain Minc, mais toujours sans... Alain Soral. Avant de recevoir celui qu’il a choisi de mettre en avant lors de cette « spéciale » diffusée le 6 novembre 2015, il discute de l’actualité avec son « kiosque », quatre journalistes de la presse écrite triés sur le volet. Donc sans journaliste de E&R.
Avant Frédéric Haziza, Guillaume Durand avait eu l’idée, reprise par Franz-Olivier Giesbert, de faire intervenir les « éditorialistes » des news magazines pour trois raisons : cela permet
d’avoir en plateau des gens qui connaissent les limites
de se constituer un réseau de journalistes redevables
de neutraliser les critiques négatives des journaux
de promouvoir l’émission dans les titres concernés.
Frédéric Haziza reprend la formule avec succès, enfin, au regard de l’audience de LCP. Il invite qui il veut, et ça se voit : Anne Rosencher de Marianne, Hugo Domenach du Point, Sylvain Courage de L’Obs, et Carl Meuus du Figaro Magazine. Le débat en question n’a aucun intérêt en soi, chacun vendant son canard à sa propre sauce. D’ailleurs, les points de vue sont quasiment identiques : on est entre gens bien élevés, et élevés dans les mêmes batteries médiatiques. C’est pas avec eux qu’on va risquer une glissade nationaliste ou bolchevique. Ni même une petite engueulade qui pourrait réveiller le téléspectateur. Les titres sont tellement indistincts que même Frédéric se plante :
« On parle aussi dans vos hebdos en tout cas dans “Le Point”, et dans, et dans “Marianne” si je me trompe pas, nan, dans, “Le Point” et dans “L’Obs” pardon, de Anne Hidalgo “Le Point”, Anne Hidalgo la nouvelle Martine Aubry. »
Mais à part ses patinages habituels, et son phrasé pâteux, Haziza n’a pas changé d’un iota, ses obsessions restent les mêmes. On parle un peu d’Hitler, de Mein Kampf, on engrange les points Godwin. Le reste n’a aucun intérêt, et pourtant, l’émission n’a que six semaines. Déjà complètement démonétisée.
- Haziza : « Pourquoi Hollande a raison sur la Syrie, en tout cas c’est l’édito coup de cœur de BHL dans “Le Point”. »
Sylvain Courage évoque l’ambition d’Anne Hidalgo… sujet dont toute la France se tape. Seul Carl Meuus apporte un peu d’information, mais on reste dans la politique politicienne stérile, ce PMU où les chevaux sont remplacés par des people rasants.
Mais intéressons-nous, au hasard, à... Hugo Domenach. Pas de chance Hugo, c’est tombé sur toi. Ce jeune homme au poil de barbe fraîchement poussé, ressemble à un petit poulet frais émoulu de sa batterie. Normalement, ce sont de vieux barbons qui deviennent récurrents en télé. Là, il commence tout jeune, le Hugo. On se pose des questions sur sa précocité, quand on apprend qu’il descend d’une lignée de grands journalistes démocrates : Hugo est le fils de Nicolas Domenach (lui-même fils de l’écrivain Jean-Marie Domenach), le représentant de la presse écrite dans La Nouvelle Édition d’Ali Baddou, émission qui a changé de présentateur entre-temps. Nicolas fut longtemps directeur de la rédaction de Marianne, qu’il quitte pour Challenges, et s’est notamment illustré pendant la manif contre le mariage gay le 13 janvier 2013 en déclarant que c’était une « foule provinciale, blanche pour l’essentiel, et très catholique ».
Hugo s’est lui illustré dans lepoint.fr en relayant une info bidon d’un site de déconneurs belges, Nordpresse, selon laquelle Jean-Marie Le Pen se portait candidat aux élections présidentielles en 2017. Le coup de règle sur les doigts qu’il s’est pas pris, le petit : Le Canard enchaîné monte l’affaire en mayonnaise, et arretsurimages.net lui enfonce la tête dans l’assiette. À sa décharge, Hugo avait préparé un papier sur la pseudo-info, et son chef de service, le trouble Jérôme Béglé, un pote allumé de Beigbeder, l’a rallongé et envoyé en ligne. On a donc affaire à un grand professionnel, dans la veine des Joseph Pulitzer et autres Thomas Huchon. D’ailleurs, dans une émission à caractère politique, Hugo vient défendre un article sur… Que peut-on encore manger, qui fait la une du Point. C’est peut-être pour éviter qu’il ne dérape à nouveau avec une candidature fantaisiste en 2017… Heureusement, l’animateur sera très paternaliste avec son poulain, lui posant des questions simples, et le coupant quand il bafouille. On a connu Haziza moins complaisant, par exemple avec Jacques Cheminade. Deux poids, deux mesures…
On arrive enfin, péniblement, au dernier quart d’heure avec l’invité de la semaine, Alain Minc, un jeune inconnu.
Haziza ne manque pas de revenir sur l’un de ses thèmes favoris :
« Vous dites même que vous êtes un mauvais juif. »
Mais Alain évite habilement le sujet. Il préfère parler de lui, en termes élogieux, de son livre, on suppose donc qu’il l’a écrit, mais on se méfie quand même un petit peu (chat échaudé craint l’eau froide) :
« J’avais envie d’expliquer ce qu’est ma propre identité, comment elle va de pair avec un patriotisme européen aussi vif que mon patriotisme français. »
Un patriotisme européen, tiens, voilà qui sonne comme un euphémisme. Ça n’a tellement pas de sens que ça veut forcément dire autre chose. Si l’on est europatriote, alors on ne peut pas être francopatriote. Mais Haziza ne voit pas d’illogisme :
« Vous dites j’ai une double allégeance mais on en reparlera, français et européen. »
On aurait parié pour une autre double allégeance, mais il faut croire ce que disent les gens. Si tout le monde commence à mentir à tout le monde, on n’en sort plus ! On notera une chose : à chaque émission avec Alain Minc, on a droit au choix de son candidat pour les prochaines élections, qui perd en général. Mais cela ne veut pas dire qu’Alain est naïf : il est capable de balancer une énormité pour provoquer des choses... faire monter les cours, par exemple. Car son truc, c’est le marché. De la finance, des entreprises, et de la politique. Et là, il va proposer une drôle de fusion-acquisition.
« Moi ce qui me conduit à aller vers Alain Juppé c’est un raisonnement très simple : l’honneur de ce pays exige que madame Le Pen ne soit pas en tête au premier tour, donc il ne faut pas de candidat du centre dans les jambes du candidat de droite ; l’honneur de ce pays exige aux yeux du monde entier qu’elle soit écrabouillée électoralement au deuxième tour, imaginez qu’elle fasse 45, imaginez les titres du monde entier, et donc il faut que le candidat de droite ait l’intégralité des voix de gauche comme Jacques Chirac en 2002. »
C’est curieux, on n’arrive pas à croire à sa panique face à une éventuelle vague bleu Marine. On dirait plutôt qu’il fait monter le cours « Marine Le Pen »...
Pour la fin de l’émission, Haziza revient à sa marotte : « Et vous concluez votre livre par la phrase rapportée par Emmanuel Levinas, citant son père qui était né ukrainien, au moment de l’affaire Dreyfus : le pays qui s’enflamme pour un petit capitaine juif est celui où il faut aller. Est-ce que la France demeure ce pays-là, Alain Minc ? »
Minc évitera soigneusement de développer une réponse qui l’entraînerait vers les terrains minés des relations franco-israéliennes, laissant Haziza en suspens avec sa question. Il sait pertinemment que le renouveau patriotique français n’accepterait pas une double allégeance trop visible. Ce qui sera encore plus vrai après les attentats de novembre 2015, qui auront lieu exactement une semaine après la diffusion de l’émission.
Il consigliere
Le « conseiller » des puissants manie à merveille les euphémismes et les coups de griffe en gant de velours : il ne dit pas « la communauté musulmane pose problème », mais « il faut de la discrimination positive pour les banlieues ». Surtout, il fait semblant de ne pas toucher et de ne pas appartenir à la dominance depuis 30 ans, alors qu’il est au cœur du système qui fait les rois et les princes de notre Démocratie.
Sa seule faute serait peut-être de vouloir se montrer. Car le pouvoir, même occulte, ne suffit pas à la vanité. Si on ne peut le dire, alors on doit le montrer, mais par des chemins détournés. Haziza sait très bien à qui il a affaire. La position confortable de Minc tient aussi dans le fait que n’étant ni élu ni dirigeant officiel, il n’a pas d’opposants. Il apparaît tel un ange sur les plateaux, déguisé en écrivain, dispensant paroles sibyllines et menaces voilées.
Pourtant, il a des opposants idéologiques, mais qui ne lui sont jamais proposés. La véritable démocratie, sur une émission de service public comme celle d’Haziza, donc financée par l’impôt de tous les Français, serait non pas ce pauvre « débat » entre membres d’une même famille (de pensée), ou d’un même clan, mais une confrontation Minc/Soral. Soral qui se détache naturellement comme opposant non officiel à un pouvoir non officiel.
Quand Haziza et ses amis en auront fini avec la répression juridique, médiatique et économique qui s’abat sur Soral et son mouvement, peut-être consentiront-ils, sous la pression du public, à ce dialogue qui fera du bien à la France. Et qui fera baisser bien des tensions. Tensions plus ou moins naturelles, qui correspondent à des intérêts bien compris.
L’émission avec les images qui bougent est ici :